Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
MAX DUBAGNE
MAX DUBAGNE
Publicité
Derniers commentaires
19 décembre 2005

12. Tu seras pas footballeur, mon fils

696

Tiens, y avait longtemps ! Eliah, à son tour a demandé à faire une petite virée en ville. Faut dire qu’elle, à part dépenser, dépenser, dépenser, elle a pas souvent envie d’autre chose. Ah, si ! Aller à l’université, bien sûr, et ce désir là, il reste scotché d’un jour sur l’autre souligné d’un trait rouge. Alors, pour une fois qu’elle voulait inviter quelqu’un pour un rendez-vous, pensez si on a sauté dessus. Elle a mis sa robe des dimanches, et elle a invité le livreur de journaux à aller faire un tour au parc des amoureux.

697

Alpherg lui a même laissé la voiture. L’est peut-être plus grosse et plus chère que sa première, mais l’est toujours aussi tarte, sa voiture. Et encore, vous, vous entendez pas le klaxon ! Nan, moi non plus, mais je l’imagine customisé : "La cucaracha, la cucaracha…"

698

Regardez s’il a l’air malin, le livreur.
Heureusement qu’Eliah est un peu plus dégourdie, moi je vous le dis ! Il croit quoi ? Que c’est pour lui permettre de s’affaler qu’elle l’a entraîné sur ce banc ? Elle le veut, elle l’aura son premier baiser !

699

Ca lui a pris… un certain temps. Il était dur à décoincer le puceau, mais elle l’a eu !

700

Quand ils sont rentrés, le gamin se sentait comme sur un petit nuage. Il planait dans la voiture, à mille lieues des réalités ! Faut dire qu’il avait jugé le rendez-vous paradisiaque, et il avait supplié Eliah :
-Appelle moi, vite, je t’en prie, appelle moi, appelle moi.
Je vois pas d’où elle aurait pu l’appeler puisqu’il était encore à côté d’elle, et qu'elle le ramenait à la maison. Mais il insistait
-Appelle-moi, appelle-moi.
Bon, on va pas le contrarier, non plus !

701

Ah-mais c’est que ça valait le coup de le ménager. Il s’est pas contenté de lui offrir un bouquet de roses rouges, il lui a ramené un flipper ! Bon, Eliah n’avait pas attendu après lui pour faire la pantomime pour en avoir un. Mais c’est l’intention qui compte, pas vrai ? Celui-là, ils se sont dépêchés de le revendre. Ca a toujours servi à acheter une chose largement aussi inutile, mais dont elle avait une envie folle-furieuse.

702

Une fontaine à bulles ! Quand elle a commencé à avoir envie de ça, tout le monde lui a crié : "JAMAIS !!"
Ils trouvaient, et je partage leur avis, que c’était d’un ridicule consommé. C’est grand, ça prend la place, ça coûte une fortune pour ce que c’est… On avait vraiment pas besoin de ça. Mais à force de :
-Allez, papa, alllez ! Tu peux bien m’offrir ça pour me récompenser d’être un petit génie. Je suis responsable d’équipe au fast-food, et je travaille pourtant comme un chef à l’école.
et de : _Non, garde ton fric, y a que la fontaine à bulles qui m’intéresse ! Chaque fois qu’il voulait lui acheter un petit autre chose,. Alpherg a fini par céder. C’est comme ça que depuis, j’ai cette horreur sous le nez dès que je fais un pas hors de ma tombe.

703

Kérine a été nommée juge. Ouais, elle se la pète un peu. Elle ferait mieux de se dépêcher si elle veut pas rater l’anniversaire de son fils. Il va souffler les bougies sans elle, au train de sénateur auquel elle va.

704

Tout juste !

C’est Samson qui a officié. Lui qui a fait disparaître les bougies en trop, lui qui a porté le gamin au-dessus du gâteau, lui encore, qui a été de corvée pour le pot.

Chais pas si vous avez remarqué, mais le premier truc urgent, quand les bébés deviennent des bambins, c’est pas le biberon, comme tout le monde croit. C’est le pot ! Ils sont toute une tribu à aller lui faire chauffer son biberon, et pendant ce temps là, il évacue le trop-plein de la veille. Après, c’est le cercle infernal, faut le laver, changer la couche…

705

Et donc, Mérak copieusement gavé de lait futé, hyper-vitaminé, menaçant de fuir à tout moment, se retrouva sur le pot pour la corvée réservée au pépé. Il avait pas la tête dure, il apprit le jour même à être propre, le petit nange.

706

N’écoutant que son courage, Samson voulut lui apprendre la marche dans la foulée. Mais il trouvait que ça n’allait pas si vite. Ca aurait été plus vite s’il ne s’était pas arrêté à tout bout de champ pour se tenir les reins !

-Rha lala, c’est plus de mon âge, gémissait-il.

707

-Laissez papa, nous aussi on voudrait bien lui apprendre quelque chose, au petit. Vous n’allez tout de même pas tout faire, intervint Kérine, en lui ôtant la future merveille des mains.

C’est vrai, c’est pénible les grand-parents, c’est toujours après les bambins. Et les parents ? Qu’est ce qu’il leur restera comme souvenirs à partager avec leurs gosses, si ils leur apprennent tout ?  Sans compter qu’ils sont pas éternels, et que les mômes sont dix fois plus malheureux, quand ils passent l’arme à gauche, s’ils leur vouent une reconnaissance éternelle pour leur avoir permis de bien grandir.

Donc, c’est madame le juge qui se chargea de la marche en rentrant du tribunal.

708

Nathel, lui, prit sur son temps d’études pour lui apprendre à parler. Il avait bien du mérite, nommé plus jeune spécialiste de Vipercanyon, il travaillait comme un malade remplissant ses barres de compétences avec acharnement. Il avait déjà rempli ses barres de logique et de créativité. Lui manquait plus qu’un point de mécanique, trois de nettoyage, quelques points de physique et presque tous ses points de cuisine à attraper. C’est qu’il avait pas trop le temps de cuisiner, et d’ailleurs, Sélène squattait la cuisine, interdisant qu’on touche à « ses » fourneaux.

728

Ooooh-non ! Qu’est ce qu’il vient encore nous casser les pieds, le Benjamin ?

Samson, ouvre les yeux, un peu ! Tu vois pas que c’est un pique-assiette de première. Je parie que c’est encore un jour d’anniversaire. Déjà de mon temps, il en ratait pas un ! Se ferait péter la sous-ventrière de gâteau celui-là, dès qu’on allume les bougies, il rapplique. Ce qu’il aime encore plus que le gâteau, c’est le champagne, mais ils n’y pensent jamais. Et c’est pas moi qui vais leur souffler, ça c’est sûr !
Entre le copain-Benjamin de Samson et l’amant-Romuald de Sélène, y a plus moyen d’être tranquilles dans cette maison. Ils sont toujours là ! Surtout quand on aimerait bien se retrouver en famille pour les grandes occasions.

729

L’occasion, c’était l’anniversaire de Zosma. Elle a réussi à tenir le coup sans aller à l’université et sans se taper la déprime du siècle à cause de ça,  grâce à son besoin d’apprendre. Mais ça commençait à devenir de plus en plus dur.

Ben oui ! Au début, c’est pas trop difficile d’acquérir de nouvelles connaissances, mais plus ça va, plus ça devient duraille. Quand vous commencez à vous attaquer aux niveaux 6 et 7, faut du temps avant d’y parvenir. En attendant, vous avez quoi, pour vous contenter, quand vous ne savez plus où mettre vos téléphones portables tellement vous en avez acheté ? Ben, je vais vous le dire, moi : pas grand chose.

730

On commençait à se dire que maintenant qu’elle avait passé l’âge, elle allait enfin avoir un choix raisonnable de plus à se mettre sous la dent. Mais on se trompait !

L’a fallu que les extra-terrestres viennent nous la chambouler. Elle était sur le point de mettre le point final à son aspiration à la logique quand ils ont débarqué et nous l’ont enlevée. Ouais-bon, on s’affole plus maintenant, on sait qu’ils vont nous la rendre. Mais, s’ils avaient pu s’abstenir de lui imprimer dans le cerveau qu’il faut absolument qu’ils reviennent, ça nous aurait arrangé. Maintenant, bien-entendu : voir des extra-terrestres ou voir un membre de la famille se faire enlever a remplacé : aller à l’université.

Et le pire, c’est que ça fait tache d’encre. Ils sont pleins à rêver de ça. Décidément, ces extra-terrestres, feraient mieux de rester où ils sont. Ils se pointent toujours quand faudrait pas, enlèvent les mauvaises personnes… rien qu’à nous embêter, quoi !

731

Aaallllez, j’aime mieux oublier les petits hommes verts et me concentrer sur les beaux yeux de la même couleur de mon petit Merak. Hein qu’il est beau le descendant ?

Ce qui est nettement moins beau, c’est la tenue de Kérine, par contre. Ce gris-violet, beurk ! Mais… attendez, je la connais cette tenue ! Ca voudrait dire ???

732

Mais-oui, mais-oui, kérine est de nouveau enceinte. J’en ai eu la confirmation en entendant Nathel la consoler. Parce qu’elle était pas vraiment désirée, cette grossesse. Kérine se plaignait

-Ah, ça tombe mal, juste quand je venais d’être nommée sénateur, la mairie me tendait les bras. Comment je vais faire avec deux bébés ? Si encore on était surs de trouver une bonne nourrice, mais tu as vu la nullité qu’on nous a refilé la dernière fois.

Nathel, il s’affole pas comme ça

-Mais, t’inquiète. Papa et maman sont y pas là pour ça ? Ca leur fait tellement plaisir d’éduquer les bambins, autant en profiter.

733

Kérine n’était pas enchantée de la solution, c’est le moins qu’on puisse dire

-Ah, je n’aime pas ça, Nathel. Si on leur laisse trop de responsabilités, ils vont se croire tout permis. Qu’est ce qui nous restera pour que les enfants comprennent que c’est nous, leurs meilleurs amis ?

Nathel avait réponse à tout

-Tu sais, à plus de 70 ans, je voudrais pas être fataliste, mais ils ne seront pas éternels. Ne t’en fais pas, les enfants sauront bien que nous les aimons, même si nous devons déléguer pour leur éducation.

Avec son aspiration famille, Kérine n’était pas convaincue. Mais elle ne savait pas résister à Nathel, surtout quand il la prenait par les sentiments. Heureusement que la maison était pleine, ils auraient bien été fichus de nous en faire un troisième.

734

En attendant que grossesse se passe, Nathel continuait à remplir ses barres. Pour la mécanique, c’était chose faite, mais il était encore assez loin du pompon, il lui restait le plus dur à faire : nettoyage, physique et cuisine… Quand Sélène se déciderait à le laisser approcher des fourneaux.

Jetez un œil sur le bric-à-brac du garage tant que vous y êtes. Vous avez vu le chantier ?

Quand je vous disais que c’était pas demain la veille qu’on y rentrerait les voitures.

735

Heureusement, les enfants grandissent, y a pas que les vieux qui prennent de l’âge. Merak s’est décidé à pousser dans la cuisine, sans ennuyer son monde pour fêter son anniversaire. Je dirai même qu’il voulait surtout pas de fête. Le seul qui trouvait à redire à ça, c’était Alpherg.

-Quoi, pas de fête ? Mais maintenant qu’on peut en faire, c’est bête de pas en profiter

-Puisqu’on te dit qu’il veut pas de fête, tu nous énerves. On n’est pas obligés d’en faire, juste parce que maintenant on peut. Ca ne l’empêchera pas de bien grandir, va ! Tout ce tu risques, avec ta fête, c’est de nous le traumatiser et lui enlever son titre de miracle de la nature. Alors, tu vas vendre le chef d’œuvre que j’ai peint pour toi dans ma chambre, et tu nous lâches les baskets, lui a sorti Sélène. Elle était fière comme un paon de son petit fils, comme si c’était rien que grâce à elle qu’il se baladait en platine. Kérine n’appréciait pas trop.
Ca présageait mal de l’avenir avec le futur bébé.

736

Regardez-moi s’il est beau l’héritier. Enfin, l’héritier, c’est vite dit. Les dés en décideront. Mais pour le moment, c’est l’unique, le seul, et comme il a récupéré ce qu’il y avait mieux dans la famille : mes yeux verts, les cheveux blonds de Jeanne, et l’intelligence de toute ma lignée, il est le descendant idéal.

Sauf qu’on a failli le perdre.

737

Il venait tout juste de grandir, et il était quelque chose comme 10 heures du mat. Comme il avait reçu le jeu des Sims2 en cadeau, il s’amusait bien gentiment sur l’ordinateur quand le téléphone a sonné. C’était cette abrutie d’assistante sociale qui menaçait de venir nous le prendre parce qu’il aurait dû aller à l’école !

QUAND ??? Quand il était encore bambin ? En tous cas, on saura pour la prochaine fois, qu’il faut pas grandir sur le coup des 9 heures. L’administration est bornée. Du moment qu’à 9 heures 1 minute t’as l’âge d’aller en classe, faut y aller, même si y a pas de ramassage scolaire en vue.

738

Alpherg a vraiment le don de se mêler de ce qui le regarde pas. Il voudrait que Merak fasse du foot, comme lui.

-Nan, j’aime pas le foot, lui a répondu le gamin

-Et pourquoi t’aimes pas le foot ? Ca paye bien

Ô argument suprême !

-Peut être, mais j’aime pas. Ca ressemble à quoi de courir après un ballon ? Et puis les joueurs de foot, je les ai vus à la télé, c’est des mauviettes.

-QUOI !! répète un peu pour voir. Là, il aime pas du tout Alpherg, mais le gamin n’en démord pas.

-Oui, des mauviettes, t’as qu’à voir, des fois, ils se roulent par terre en hurlant qu’ils ont maaaal jusqu’à ce que l’arbitre leur dise d’arrêter leur comédie, et après, ils trottent comme des lapins. Hein, c’est vrai maman ? C’est même toi, qui me l’as fait remarquer.

-Mais personne t’oblige à être footballeur. Y a pas que le foot dans la vie, a tranché Kérine en évitant le regard mauvais d’Alpherg.

709

-Au fait, ça fait combien de temps qu’on n’a pas vu Romuald ? s’avisa un jour Sélène. Elle avait toujours pas fait le rapport entre la poubelle renversée et son Othello de banlieue, et il commençait à lui manquer. Les fusées du feu d’artifice ayant pâli dans ses souvenirs.

-Faudrait peut-être l’inviter, insista-t-elle, devant le silence-réponse. Kérine, tu pourrais pas l’appeler ? Tu lui diras qu’il y a du chili au menu, il adore ça. Moi je dois surveiller la cuisson.

Ah ben, ça va faire du joli, tiens ! Teigneux comme je le connais le Romuald.

710

Romuald se serait damné pour un chili. Il accepta donc l’invitation avec empressement. Mais, quand même, pour marquer le coup, il se pointa quand plus personne ne l’attendait.

-Qui ça peut bien être à cette heure ? Tu vas voir Samson ? avait demandé Sélène qui s’apprêtait à se mettre au lit en tenue légère. -L’est pas comme toi, Jeanne, l’est pas frileuse, elle !- Seulement Samson voguait déjà dans les bras de Morphée. Elle était donc descendue ouvrir à un Romuald pas gêné, qui demandait

-J’espèré qu’il resté du chili.

711

Partagée entre le plaisir de le revoir et l’envie de lui dire que c’était pas une heure pour arriver, Sélène lui servit un reste qui traînait sur le plan de travail. Mais elle ne put s’empêcher de lui faire une remarque

-Tu pouvais pas arriver plus tôt ? Tout le monde dort, on n’allait pas passer toute la nuit à t’attendre.

-Estimé-toi heureuse qué je souis venu ! répliqua-t-il, en torchant son assiette.

-   ???

-   Né fais pas l’innocente, tou veux ! Tou m’as pris pour oune imbécilé. Ton mari et toi, filez encore lé parfait amour. Jé sers à quoi, moi dans l’histoire ? Dé bouché-trou ?
Ben-oui, qu’est ce qu’il croyait ? c’est NOTRE histoire, pas la sienne ! L’a fallu que Sélène fasse preuve de diplomatie, et qu’elle s’excuse et se re-excuse, s’aplatissant comme une limande.

-Non, je te jure que je tiens à toi, Romuald. Samson et moi, c’est… la force de l’habitude, tu comprends. Tandis qu’avec toi… tu es tellement fougueux, tellement  viril ! Je me sens plus jeune.

-Et ?

Il en revoulait, l’emplâtre

-Et… Je ne peux pas me passer de toi, je t’ai dans la peau, j’en mourrais si tu ne voulais plus me voir.

-Et ???

712

Et tu vas prendre mon pied aux fesses si tu continues à la ramener, Don-Juan de mes deux !

-Et je t’en prie, je t’en supplie, Romuald, mon chéri, je te promets, Samson n’est plus qu’un vieil ami, presque un frère. C’est toi que je veux, toi qui me combles, toi l’amour de mes vieux jours.

Bon, ça va durer encore longtemps, ou son orgueil est enfin satisfait ? Non, il garde une dent contre elle.

-Mmmouais… qu’est-cé qui mé lé prouvé ?

Oui-ben, à cette heure là, plus rien !

Ca avait duré une bonne partie de la nuit, et au petit jour, il est reparti, l’air mauvais (si-si, regardez, l’air mauvais qu’il a). Et vlan, il a remis un grand coup de tatane dans la poubelle en traitant Sélène de noms d’oiseaux, entre ses dents.

-Cochonnéria ! Ma qué tou croyais mé faire porter des cornes à moi ? Tou mé connais mal. Jousqu’à la muerté, jé t’en voudrais. C’est ma pétite vendetta ! Tou as pas fini dé la ramasser ta poubellé !.

Qu’est ce qu’elle avait eu besoin de l’inviter à manger le chili, aussi ?

713

Finalement, Alpherg a fini par céder aux prières d’Eliah et accepté de l’inscrire à l’université, tout en la prévenant :

-Tu sais que tu ne pourras pas poursuivre le challenge. Tu en es bien consciente.

-J’en ai rien à faire du challenge. Tout le monde va à l’université, et moi, je m’encroûterais ici, pour les beaux yeux de ma grand-mère. C’était son truc, la guerre des branches, pas le mien. Justement, Scheratan me propose de venir m’installer dans l’appartement qu’elle partage avec Antoine Joubert. Paraît qu’elle est fiancée, ils se marieront quand ils auront terminé leurs études.

Entre nous, les études, ils z'étaient pas prêts de les terminer, à la vitesse où ils avançaient. M’enfin, Scheratan accueillit sa jeune nièce ave empressement.

714

Mais c’était mal connaître Eliah que de se figurer qu’elle allait faire long feu chez sa tante. Quand elle avait entendu parler d’un appartement, je sais pas ce qu’elle s’était imaginé comme palace. En fait, il y avait deux chambres, à peine plus grandes qu’à la cité universitaire, et un séjour/salle à manger/cuisine étriqué.

De plus, Antoine et Scheratan passaient leur temps à étudier. Elle en eut vite assez.

-Mais c’est nul, nul et archi nul, chez vous. Vous n’auriez pas pu fonder une association à tout ce que vous étiez ?

-Si ça ne te convient pas, tu peux toujours demander à en rejoindre une. Nous, on se trouvait très bien ici, jusqu’à ton arrivée. Mais, tu n’es jamais contente, répliqua Scheratan agacée.

715

-On fait comment pour en rejoindre une ? demanda-t-elle, intéressée.

-On prend le téléphone, et on demande à rencontrer les membres. Si tu leur plait, c’est dans la poche. Mais je te prévient, c’est pas facile de se faire accepter.

-Pffeu, je vois pas pourquoi on m’accepterait pas. J’ai toujours obtenu tout ce que je voulais. Si je veux rejoindre une association, je la rejoindrai. J’appelle laquelle ?

-T’as qu’à appeler celle des garçons. Le fils Leritier est bourré de tunes, il devrait te plaire, lui lança Antoine, sans lever le nez de ses devoirs.

716

Elle vit débarquer trois énergumènes en toges.

-Ils se croient où, à Rome ? pensa-t-elle en son for intérieur. Mais elle garda ses remarques pour elle et entreprit de faire leur conquête. Elle commença par Guy Leritier, puisqu’on lui avait dit que c’était lui, le Crésus de la bande et elle n’eut aucun mal à faire sa conquête.

717

Pour les autres, Guy, le beau gosse, et Mickaël, le petit gros, ce fut encore plus facile, car elle avait sorti son arme secrète : La baignoire folamour. Rien de tel pour les concentrer, ces excités, vu le peu de distractions dont disposaient Antoine et Shératan : une malheureuse chaîne hi-fi premier prix et une télé fatiguée. En un rien de temps, les garçons ne juraient que par elle. Surtout qu’elle leur avait fait miroiter qu’elle pourrait leur offrir des énergiseurs et des casques pensants, qui leur faisaient  cruellement défaut.

718

A peine introduite dans l’association, elle adopta un look branché et se mit à tout régenter.

-Ca sert à quoi votre barbecue ? et votre table de jardin ? Vous feriez mieux de vendre ça et de vous payer des lits plus confortables. Comment voulez-vous être en forme avec de pareils grabats ? Elle leur fit ainsi revendre tout ce qu’elle jugeait inutile et acheter ce qui lui faisait plaisir, à elle, comme une basse, une batterie, un flipper, une voiture… Choses autrement plus utiles pour des étudiants motivés.
Au bout du premier semestre, elle avait lamentablement raté son examen pour cause de panne d’oreiller, et se retrouvait en période d’essai. Autant dire que la porte de sortie était grande ouverte. Alpherg vint en personne lui faire une leçon de morale.

721

-Dis-donc, Eliah. Quand tu nous a fait la vie pour aller à l’université, je croyais que c’était pour poursuivre des études, pas les garçons. L’amour et les études, ça fait deux. Tu as choisi de quitter le challenge, mais c’est pas une raison pour faire honte à la famille.

-Je vois pas comment je lui ferai honte si j’épouse Guy Lheritier. Il est pété de tunes.

-Que tu crois ! Sa famille était riche, mais c’était du temps du grand-père. Maintenant, ils n’ont plus rien. Je me suis renseigné. Tu perds ton temps avec ce garçon, l’informa son père.

Si elle s’attendait à ça !

722

-QUOI ?! T’es sûr de ce que tu avances ?

-Sûr et certain ! Si tu veux continuer à mener grand train, t’aurais tout intérêt à étudier sérieusement, et peut-être à te dégotter un professeur, mais pas un fils à papa fauché. Je suis une légende du stade, moi, je veux pas que ma fille vive dans la précarité.

-Mais moi non plus, je veux pas de la précarité, qu’est ce que tu crois ! se récria-t-elle. J’ai d’autres ambitions. Je croyais avoir fait le bon choix avec Guy, mais si tu dis qu’il est fauché, je vais réviser ma conduite.

-Et tes leçons ! Si tu veux faire honneur à notre branche, reviens-nous avec un beau diplôme en poche et un métier qui leur en bouche un coin. Tu crois que ça m’amuse de voir Zosma parader en petit génie pendant que toi, tu perds ton temps ici ? lança Alpherg en guise d’adieu.

Elle lui promit de se mettre sérieusement aux études, et elle tint promesse, décrochant les félicitations du doyen à chaque semestre. Mais elle fit mieux

719

.

Ah, Guy Leritier, était fauché ! Il s’était bien gardé de le lui dire. Il ne se figurait tout de même pas que c’était pour sa beauté qu’elle s’était intéressée à lui. Puisqu’il en était ainsi, elle allait faire ce que son père lui avait conseillé : essayer de se dégotter un professeur. Pour cela, elle donna un rendez-vous à son prof de philo sur le campus. Il était plus de la première fraîcheur et  lui rappelait Boris, le directeur de l’école privée. Mais la beauté, ça se mange pas en salade, avec ou sans gésiers.

724

Ayant opéré un retournement de situation, elle put de nouveau se présenter la tête haute, à la maison. Ce fut à l’occasion de l’anniversaire d’Alpherg. Hé-oui, à part à l’université où le temps semble marquer une pause, à croire que l’air qu’on y respire est chargé d’elixir de vie,  ailleurs, on vieillit et on meurt. Encore heureux, autrement, on serait pas sorti du challenge !
Et donc, c’était au tour d’Alpherg de faire connaissance avec les rhumatismes

725

.

L’a pas eu de chance, Alpherg. Ils lui avaient réservé la tenue du parfait plouc des banlieues pavillonnaires. Quand il s’est vu avec sa cotte et sa chemise à carreaux, il a failli avoir une attaque. Un qui se bidonnait, c’était Benjamin, le copain de Samson. Chaque fois que je le vois, celui-là, je me retourne dans ma tombe. Quand est ce qu’ils vont se décider à m’en débarrasser, une bonne fois ?

Bref, Alpherg, il était pas ravi de son costume de vieillard.

-Non-mais !! Ils se figurent quand même pas que je vais me coltiner ça jusqu’à 83 ans !

Entre-nous, j’espère bien qu’il va pas durer jusqu’à 83 ans, mais lui, il y croit. Puisque sa mère l’a fait, pourquoi pas lui ? Surtout qu’il est heureux-heureux. Y a pas plus heureux que lui sur terre. Il vend des chefs d’œuvre à longueur de semaine, il palpe des biftons à tour de bras, il téléphone à sa fille tous les jours que Dieu fait… HEU-REUX !

726

La seule ombre à son bonheur, c’était sa tenue de plouc. Alors, il s’est empressé d’aller fouiller dans nos armoires et il s’est fait un look adapté à son titre de légende du stade.

Il se ramasse tout de même plus de 3000 $ par jour de travail, c’est super bien payé le football. J’ai toujours trouvé ça honteux. Tape dans un ballon, tu ramasseras une fortune, travaille ton ciboulot, tu ramasseras des clopinettes. Encore une des grandes injustices de la vie. Avec tout ça, c’est quand, qu’il aura enfin gagné 100 000 $ ? Depuis le temps qu’il empoche, ça devrait bien finir par arriver.

727

Ben voilà, suffisait de demander. Cent mille simflouzes qu’il a ramassé durant sa chienne de vie, Alpherg. Et il est pas encore au bout ! Qu’est ce qui va bien pouvoir lui faire plaisir maintenant, hein ? On a TOUT ! L’utile et l’inutile.

Mais je m’inquiète pas, il va bien nous trouver des envies de tableaux à « au moins » 5 000 $, de statues à la noix, de voitures hors de prix, rien que pour embêter son monde. Heureusement encore, qu’il rapporte, manquerait plus qu’il fasse que coûter.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité